J'ai tenté de me convaincre que quitter quelqu'un n'est pas la pire chose qu'on puisse lui faire subir. C'est parfois douloureux, mais ce n'est pas forcément une tragédie. Si l'on ne quittait jamais rien ni personne, il n'y aurait pas de place pour la nouveauté. Bien sûr, passer à autre chose constitue une infidélité - aux autres, au passé, aux conceptions anciennes de soi. Peut-être, alors chaque journée devrait-elle contenir au moins une infidélité essentielle, une trahison nécessaire. Il s'agirait donc d'un acte optimiste, plein d'espoir, garantissant la foi en l'avenir, l'affirmation que les choses peuvent non seulement être différentes, mais meilleures.
Et le silence, comme l'obscurité, peut être doux : le silence aussi est un langage. Les couples ont de bonnes raisons de ne pas parler.
Ce soir, l’émotion qui l'emporte est la peur de l'avenir. Au moins, me dira-t-on, mieux vaut avoir la peur des choses que leur ennui, et la vie sans amour est un long ennui.
Un professeur honnête m'avait donné un poème de Thom Gunn intitulé En route, que j'avais déchiré du livre et que je conservais dans la poche revolver de mon Levis. Pendant les fêtes, je m'allongeais par terre pour le déclamer :
"On est toujours plus près quand on reste en mouvement."
Faut y aller.
Encore.
Père finit par me dire que je serais bien idiot de choisir une profession qui ne me procurerait pas du plaisir pendant le restant de mes jours.
Mais je me retiens de rigoler et je dirais ceci : dans le domaine de la sagesse, tout progrès exige une bonne dose de culot.
Trop de tout est parfois aussi nuisible que trop peu.
Mais il est puissant de détester quelqu'un ; haïr revient à s'étouffer soi-même, interminablement.